La nouvelle stratégie de coopération internationale de la Suisse risque de faire reculer la roue de 20 ans. Le nouveau quota d'APD tombe au niveau de 2003, alors que les pays les plus pauvres pourraient être davantage priorisés.
Comment la Suisse doit-elle lutter contre la pauvreté et le changement climatique ? La stratégie de coopération internationale (CI) 2025-28 de la Suisse, actuellement en consultation, apporte des réponses à ces questions. Cette stratégie est censée être un regard vers l'avenir, mais dans les faits, elle risque de faire un bond en arrière de 20 ans.
Ainsi, la Confédération prévoit un taux d'aide publique au développement (APD, sans les coûts variables de l'asile) par rapport au revenu national brut (RNB) aussi bas qu'en 2003 : 0,36 %. Au cours des dix dernières années, ce taux était en moyenne de 0,42 %. Une baisse massive à 0,36 % est particulièrement problématique, étant donné que l'extrême pauvreté a de nouveau augmenté suite à la pandémie de Covid et que les défis mondiaux comme le changement climatique s'accentuent.
L'aide à l'Ukraine ne doit pas se faire au détriment des plus pauvres
Pour les pays les plus pauvres, le recul est également dévastateur car la nouvelle stratégie prévoit de réserver 1,5 milliard, soit 13 % des moyens d'engagement de la CI, à l'Ukraine. Jusqu'à présent, les plus grands bénéficiaires de la coopération suisse au développement représentaient chacun environ 1 % du crédit. Il va de soi qu'un soutien à l'Ukraine pendant et après la guerre est essentiel. La guerre en Ukraine représente une situation exceptionnelle pour toute l'Europe, y compris la Suisse. Le soutien à l'Ukraine est difficilement planifiable et prévisible et peut donc être comptabilisé dans le budget fédéral de manière exceptionnelle plutôt que par le biais de la coopération internationale. C'est la seule façon d'éviter que l'important soutien à l'Ukraine ne se fasse au détriment des personnes vivant dans une extrême pauvreté.
Renforcer financièrement le nouveau thème prioritaire de la santé
La santé est désormais un thème prioritaire de la coopération suisse au développement. C'est décisif, car les besoins mondiaux en matière de santé ont augmenté suite à la pandémie. Davantage d'enfants ne sont pas vaccinés et ne sont pas traités. Il s'agit maintenant de s'assurer que la santé ne devienne pas seulement un thème prioritaire, mais que le financement soit solide et s'inscrive dans la continuité des années de pandémie 2020-22.
Mettre des fonds à la disposition des pays les plus pauvres
La part destinée aux pays les moins avancés (PMA) reste insuffisante et doit être augmentée pour atteindre le taux de 0,2 % reconnu au niveau international. Au cours des cinq dernières années, le quota suisse a stagné entre 0,13 et 0,14 %, soit 30 à 35 % de moins que la valeur cible. Les fonds non affectés géographiquement doivent être utilisés en priorité dans les PMA. Les fonds prévus pour le nouveau pays partenaire, le Maroc, pourraient être utilisés pour l'engagement existant dans les PMA. En effet, un franc versé au Burundi, par exemple, dans le contexte de la coopération au développement, a toutes les chances d'être plus utile qu'au Maroc, étant donné que le taux d'extrême pauvreté et le PIB par habitant sont de 65 % au Burundi, soit un PIB par habitant de 238 USD, alors qu'ils sont de 1,4 % au Maroc, soit 3'500 USD.
La coopération au développement de la Suisse jouit à juste titre d'une très bonne réputation internationale. Il existe toutefois encore un potentiel en ce qui concerne la définition des priorités.
Ce texte est paru le 20 juillet dans le Tages-Anzeiger en tant qu'article d'opinion en allemand: Online; PDF
La prise de position complète sur le projet de message de la CI (en allemand, résumé en français): ici
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